Rares étaient les fois où Isamu pleurait, et jamais encore ses larmes n'avaient été marquées par tant de tristesse.

Tout commença le jour où l’équipage de son père décida de prendre quelques jours de repos sur une petite île d’East Blue réputée pour son calme et sa tranquillité : l’Archipel d’Orgao. Et oui, de temps à autres, la bande de pirate dans laquelle grandit Is’ en avait assez de piller des villages et de massacrer des gens, et lors de ces rarissimes instants, ce groupe de hors la loi aimait aller passer du bon temps sur l’une des îles les plus tranquilles de la mer d’East Blue. La raison pour laquelle Jack Taiki avait choisi cet endroit plutôt qu’un autre pour passer des « vacances » était simple ; c’était sur cet îlot de terre qu’il était né et avait passé son enfance, avant de s’engager sur la voie de la piraterie. C’était d’ailleurs le seul lieu où il interdisait à son équipage tout grabuge et exigeait une bonne tenue, sauf si d’autres brigands venaient déranger les habitants de l’île. Tout le monde là-bas connaissait la bande de flibustiers nommée « Taiki’s pirates », et tout le monde l’appréciait, contrairement au reste du monde peuplant la petite mer sur laquelle elle naviguait.

C’était donc avec le plus grand des plaisirs que le petit navire pirate accosta sur l’île, se réjouissant de revoir tous les citoyens qui étaient, on peut le dire, leurs amis. Les bras chargés de bagages, les flibustiers se dirigèrent en direction de la ville d’Orange, la seule existante sur l’Archipel. Ils étaient tous heureux, car même si seul Jack provenait de cet endroit, c’était un peu leur maison à tous, ils s’y arrêtaient deux à trois fois chaque année, durant des séjours allant d’une semaine à parfois presqu’un mois, tellement ils aimaient se trouver là. Une fois passé le petit écriteau indiquant qu’ils étaient arrivés à bon port, nos amis furent bien vite reconnus, et les personnes qui venaient leur souhaiter la bienvenue étaient aussi enchantées qu’eux. Excepté les nouveaux habitants, l’équipage reconnaissait tout le monde, aucune tête ne leur était inconnue, et il leur fallu un certain temps avant d’atteindre l’auberge dans laquelle ils logeaient depuis maintenant de longues années, tellement ils s’arrêtaient pour discuter avec les gens.

<< Jaaaack ! Depuis le temps ! Ca va mon frère ? Vous venez prendre un peu de repos ? >>

Le capitaine de la bande avait à peine ouvert la porte de l’auberge que ce cri de joie retenti. Et il provenait de la bouche d’Alex Taiki, gérant de l’établissement et frère de Jack. D’ailleurs cela n’aurait trompé personne, ces hommes liés par le sang se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, ils étaient tous deux grands, bien bâtis, possédaient un visage carré orné de traits marqués et arboraient une épaisse chevelure noirâtre. La seule chose qui les différenciait étaient les cicatrices que portait le pirate, vestiges de combats contre ses rivales.

Jack était content lui aussi de revoir celui avec qui il avait passé son enfance, et alors que les autres personnes de l’équipage partirent poser leurs affaires dans leurs chambres et se laver, il resta avec son frangin pour discuter de leurs vies et de tout ce qu’il s’était passé depuis leur précédente rencontre.
Cela leur fît de bien, et après avoir parlé une bonne heure, le chef de la bande de hors la loi monta à son tour prendre possession de sa chambre et se changer.

A dix-neuf heures tout le monde était dans la grande salle, ils étaient tous assis autour d’une longue table et attendaient le fabuleux met que leur avait concocté le cuistot du bâtiment. Ils ne furent comme à leur habitude pas déçus, Pierre – tel était le nom du cuisinier – faisait la cuisine comme personne, et ce jour là, il s’était particulièrement dépassé, offrant à ses hôtes un repas digne des plus grands. Après avoir mangé, nos pirates avaient prévus d’aller voir le cirque, événement incontournable pour toute personne s’arrêtant dans cette ville et se déroulant tous les dimanches. Dés qu’ils eurent donc fini leur repas et bu un verre avec quelques autres personnes qu’ils connaissaient bien, nos brigands partirent vers le grand chapiteau abritant le spectacle hebdomadaire.

Nos forbans arrivèrent juste à l’heure pour le début des hostilités et s’assirent à mi-hauteur des gradins, là où il restait assez de places libres. D’où ils étaient, la vue était parfaite, ni trop hauts, ni trop bas, nos hommes pouvaient profiter pleinement du spectacle qu’allait leur offrir clowns, jongleurs, cracheurs de feu ou encore dresseurs d’animaux sauvages.

Mais bien vite, l’attention d’Isamu, fût capturée par autre chose que ce qui se trouvait au centre de la piste. Qu’est-ce qui aurait bien pût retenir l’attention d’un adolescent de seize ans si ce n’est un homme jonglant avec des sabres tout en crachant du feu ? Mais la réponse à cette question est bien simple ; ce ne peut être autre chose qu’une magnifique jeune fille se trouvant quelques sièges plus loin. Elle était superbe, notre jeune pirate n’en avait encore jamais vu d’aussi belle auparavant. Tout en elle était douceur, de sa longue chevelure dorée à ses jambes parfaites en passant par sa légère robe blanche ornée de minuscules fleurs rosées. Son visage apaisait quiconque posait le regard dessus, il ne comportait aucun défaut, et semblait sortir tout droit d’un conte de fée.
A partir de l’instant où il avait commencé à observer cette demoiselle, notre bretteur ne regarda plus qu’elle et se désintéressa totalement du show que lui offrait le cirque, qu’il adorait pourtant admirer en d’autres circonstances.

Ce fût l’un des coéquipiers d’Isamu qui ramena celui-ci à la réalité, lui indiquant que le spectacle venait de se terminer et qu’ils allaient tous rentrer à l’auberge. Is’ les suivi, mais il était fatigué, et alors que tout le monde était près à faire la fête, il monta se coucher. Lorsqu’il ferma les yeux, le doux visage qu’il avait observé quelques instants plus tôt réapparu. Et dans ses songes, il s’imagina en compagnie de cette jeune femme, lui tenant la main tout en discutant assis dans l’herbe. Ce rêve devait probablement avoir été le plus beau de toute sa vie.

Lorsqu’il se réveilla, notre jeune bretteur était en pleine forme et dans un état de béatitude provoqué par son rêve en charmante compagnie. Il était onze heures du matin et Is’ était le premier levé de tout l’équipage, mais cela n’était pas étonnant, les autres devaient avoir fêté tard dans la nuit et ne se lèveraient donc que bien longtemps après. Après avoir enfilé des habits propres, notre héro descendit déjeuner, seul.
Et là, dans la grande salle à manger, une surprise de taille attendait notre adolescent. La jeune fille qu’il avait vu la vieille et la nuit dans son sommeil était assise, seule elle aussi à une table au fond de la pièce.
Il n’avait jamais vraiment parlé à une fille qui lui plaisait, mais il se dit que c’était l’occasion rêvée. Tous ses compagnons dormaient, et mis à part quelques personnes qu’il ne connaissait guère, Isamu était seul avec la demoiselle à se trouver dans la salle à manger. Il s’approcha donc d’elle et se décida à lui parler.

<< Salut.. Je peux venir déjeuner avec toi ? >>

Is’ était gêné et cela se voyait, alors qu’il était d’habitude à l’aise pour parler aux inconnus, il perdait ici ses moyens et son visage se teintait de nuances rouges. Cela eut pour effet d’esquisser un sourire sur les délicates lèvres de l’inconnue qui, elle aussi, était visiblement embarrassée.

<< Oui vas-y, installes toi .. Moi c’est Julia.. Et toi ? >>

Le jeune homme était rassuré, elle ne l’avait pas envoyé promener et engageait même la conversation. Bien qu’il n’ait pas d’expérience avec les filles, Isamu se dit qu’il était en bonne voie et que cette rencontre promettait d’être l’une des plus belles choses qui lui soit arrivé.
Ils parlèrent longuement, d’elle, de lui, de tout et de rien. Cela dura approximativement deux heures, après quoi ils décidèrent d’aller faire un tour en ville. Pour finir, ils passèrent la journée ensemble, et même si les coéquipiers d’Isamu le charriaient, il n’en avait rien à faire, il se sentait bien et c’était le principal.
Avant d’aller dormir, Julia fît un baiser au jeune pirate, sur le coin des lèvres. C’était là le début d’une belle histoire.

Tous les jours qui suivirent celui-là se déroulèrent de la même façon, nos deux tourtereaux ne se quittèrent pas, ils passèrent tout leur temps ensemble. Et pour rien au monde ils ne se seraient quittés, ils aimaient se promener main dans la main, pique-niquer dans sur la plage ou aller se baigner dans la mer tous les deux.

Vendredi fût une journée spéciale pour eux deux, car avant d’aller chacun dans leur chambre, la jeune adolescente proposa à Isamu de dormir ensemble. C’était la première fois qu’Is’ dormait avec une fille, et à ce qu’elle dit, il en était de même pour Julia. C’est donc ensemble qu’ils découvrirent les plaisirs de l’amour, et cela les rapprocha encore un peu plus. Ils étaient fous l’un de l’autre, et Isamu proposa même à sa bien aimée de partir en mer avec lui. La seule réponse qu’elle lui ait donné n’en était pas vraiment une, elle lui dit qu’elle allait réfléchir et qu’elle lui dirait en temps voulu.

Elle accepta sa proposition le dimanche. Notre bretteur était heureux, il allait pouvoir passer tout le temps qu’il désirait en compagnie de celle qu’il aimait.

Deux jours plus tard, des brigands accostèrent sur l’île. Des coups de feu retentirent en ville et ils entrèrent dans l’établissement d’Alex Taiki en enfonçant la porte. Par chance, les Taiki’s Pirates se trouvaient là eux aussi, et ils n’étaient pas décidés à laisser faire les malfrats qui venaient saccager l’auberge. La bagarre éclata, des chaises volaient, des balles se perdaient, et des hommes tombaient .. mais malheureusement, une jeune femme tomba elle aussi, en essayant de monter à l’étage pour se cacher. Isamu couru, c’était de sa faute, c’est lui qui lui avait dit de rejoindre sa chambre durant le combat.
Arrivé à sa hauteur, il sût qu’il était trop tard, la balle qu’elle avait reçue s’était logée au niveau du cœur, et dans un ultime effort elle prononça le mot « Je t’aime ». Notre jeune homme lui dit alors la même chose et posa un dernier baiser sur ses douces lèvres.

A partir de cet instant, Is’ ne fît même plus attention à l’affrontement qui se déroulait dans son dos, il serrait le corps inerte de Julia contre lui en sanglotant.

Il ne dormit pas de la nuit, et le lendemain matin, dès l’aube, il alla enterrer le corps de celle dont il était amoureux. Il fît cela au pied d’un arbre où ils avaient aimé discuter dans les bras l’un de l’autre. Il resta là toute la journée, jusqu’à ce que son père vienne le chercher pour lever l’encre.

<< Adieu Julia, je ne t’oublierai pas ..>>